1893

21 janvier : Jean Jaurès est élu député de Carmaux. Février : grève des mineurs de Rive-de-Gier, pour l’établissement de représentants du personnel auprès de la direction. 6 février : loi établissant la capacité civile de la femme séparée de corps. 9 février : début du procès du scandale de Panama. 12-15 février : 2e congrès de la Fédération nationale des Bourses du Travail tenu à Toulouse. 27-30 avril : Congrès des travailleurs des chemins de fer. 12 juin : Loi sur l’hygiène et la sécurité sur le lieu de travail, améliorée par la loi du 11 juillet 1903. Août. 3e congrès de la 2e Internationale tenu à Zurich (Suisse). Les anarchistes sont exclus du congrès. Août- septembre. Élections législatives : 37 députés socialistes (dont 21 socialistes indépendants). Jules Guesde est élu député.

La Bourse du travail de Paris est fermée et l’armée l’occupe. Congrès national corporatif à paris, la fédération des Bourses et la fédé des syndicats y assistent. Création d’un Comité de la grève générale, présidé par l’allemaniste Henri Girard. 10 septembre : le socialiste franco-américain Lucien Sanial, de retour du congrès de Zurich, jette à Paris les bases de la Chevalerie du Travail française (inspiré des Knights of labors américains), une sorte de franc-maçonnerie prolétarienne révolutionnaire, avec des socialistes de tendances, de syndicalistes, des anars : comme Fernand Pelloutier, Paul Lafargue ou encore Aristide Briand. 7- 9 octobre : Congrès national du P.O.F. tenu à Paris.

9 décembre: attentat de l’anarchiste Auguste Vaillant à la Chambre des députés. Il sera exécuté le 5 février 1894.

11-15 décembre. Vote des premières « lois scélérates » contre les anarchistes. Alexandre Millerand devient directeur de la Petite République (jusqu’en 1896).

En Maine-et-Loire, selon Bouhey, d’après son dépouillement des Archives Départementales du Maine-et-Loire :

– sur 46 anarchistes référencés et dont l’origine est connue : 32 sont d’origines du Maine-et-Loire, 1 de Charente, 1 de Haute-Marne, 3 du 35, 1 d’Indre-et-Loire, 1 de Loire-Atlantique (Loire-Inférieure à l’époque), 4 de Mayenne, 1 du Morbihan, 1 de Sarthe, 1 de Seine-Inférieure ;

– sur 42 dont la situation familiale est connue : 7 sont célibataires, 35 sont mariés ou l’ont été ;

– sur 5 dont l’âge est connu avec certitude : 2 ont moins de 20 ans ; 15 ont entre 20 et 30 ans ; 23 entre 30 et 40 ans et 16 plus de 40 ans.

– sur 55 qui exercent une profession de façon habituelle : 31 sont ardoisiers (carriers ou ouvriers-carriers) ; 1 est cordonnier et 3 ouvriers-cordonniers ; 5 ouvriers de fabrique, 1 journalier, 1 sculpteur-dessinateur, 1 agent d’affaire, 1 ouvrier quincaillier, 1 mécanicien, 1 colporteur, 1 marchand forain, 1 représentant de commerce, 1 débitant de boisson, 1 cordier, 1 allumettière, 1 sculpteur sur bois, 1 menuisier, 2 verriers.
Il faut minorer fortement ces chiffres : d’une part sont référencés par les flics des révolutionnaires mais pas forcément anarchistes, inversement de nombreux et nombreuses militantEs ne sont pas répertoriés, chez les allumettierREs par exemple et le chiffre de 31 chez les ardoisiers me semble particulièrement sous-estimé, même pour 1893.

(V.Bouhey, Les anarchistes contre la République, PUR)

// selon un rapport issu des Archives nationale (F7 / 12506) sur 81 anarchistes recensés 20 sont considérés comme dangereux.

// En début d’année, mais quand, conférence de Georges Brunet sur Angers.  Trouvant le chemin de fer trop cher, il inaugure une tournée de conférences à bicyclette dans la région ouest (Angers, Nantes, Vendôme, Rennes).

  • début janvier

// Le Groupe d’Études Sociales de Trélazé prépare une réunion publique avec Tennevin et Meunier (Le Père Peinard n°198 du 01/01/1893) et propose l’organisation d’une tournée de conférences sur l’Ouest.

// Le Groupe de Trélazé verse une somme assez importante, 13 francs, pour « la galette » des prisonniers (Le Père Peinard n°199 du 08/01/1893).

// Élections législatives : Philippe, sculpteur à Angers se présente comme candidat. Candidature probablement abstentionniste. (AM de Trélazé)

  • 4 février 1893

// Trélazé : Une cartouche de dynamite est posée chez un adjoint au maire avec une lettre de menaces. (AD49 : 4M6/15).

En pleine offensive ouvrière en Loire-Inférieure avec une multiplication des grèves, « la police s’inquiète en effet, d’autant plus qu’elle apprend l’arrivée de l’anarchiste Meunier, un ami de Mariot, venu d’Angers dans le but de prononcer une série de conférence à Nantes, Chantenay, Saint-Nazaire et Trignac » En Basse-Loire, alors que l’agitation est à son comble avec même les prémices d’un double-pouvoir. « Le 1er Mai, à St Nazaire et Trignac, sous les plis du drapeau rouge, l’anarchiste Meunier, cet ancien séminariste devenu violement anticlérical, escorté de Guillemin et de ses amis du groupe anarchiste nazairien, portant tous une magnifique fleur rouge à la boutonnière, exhorte la classe ouvrière, vante les Bourses du travail, mais prêche le calme : ‘’… pas de tapage, pas d’excitations, pas de soulographie … si je vous invite au calme, c’est, je dois le déclarer, parce j’y suis forcé par les dispositions qui ont été prises par le gouvernement : l’ouvrier qui prendrait une attitude belliqueuse se trouverait en face des canons lebel. Je me souviens de Fourmies ! Donc, manifestons pacifiquement ; plus tard nous emploierons d’autres moyens …’’ Prémonitoire, Meunier ajoute à l’intention particulière des Trignacais :’’si jamais une grève éclate chez-vous, montrez-vous fermes et résolus jusqu’au bout ; par une grève énergique on obtient tout’’.  Meunier est longuement acclamé. (Y.Guin pp281-283)

C’est probablement au cours de cette tournée de conférences qu’il effectue des causeries à Brest. Ces dernières dégénère en bagarre. (V. Bouhey, Les anarchistes contre la République. Contribution à l’histoire des réseaux sous la Troisième République (1880-1914) PUR ; p248, Le Père Peinard n°219 du 28/05/1893, n°209 du 18/03/1893, n°210 du 26/03/1893)

  • Tous les dimanches matin et après-midi.

« Tous les dimanches matin, à 9 heures, les compagnons se réunissent chez Philippe, 48, rue de Paris. Les ouvriers s’intéressant à la question sociale sont invités à venir discuter avec les anarchistes. Tous les dimanches, à partir de 3 heures du soir, les compagnes avec leurs bébés, se réunissent au groupe anarchiste, et invitent toutes les ouvrières à se joindre à elles pour causer ensemble de leur misère. La bibliothèque est à la disposition de tous. »

  • 18 mars

Une soirée familiale, une fête privée donc, à lieu à Angers en hommage à la Commune de Paris (Le Père Peinard n°210 du 26/03/1893 )

  • 21 mars au 24 avril 1893

Angers : grève dans le textile et chanvre : demande d’augmentation de salaires. Refus des autres entreprises alors que Bessonneau accepte. La solidarité joue, et peu à peu tous les entreprises sont touchées par la grève. Le syndicat est alors dirigé par Bernard (futur secrétaire de la Bourse du travail, anarchiste) et Cantal (anarchiste). Le 12 avril la grève est générale. Suite à des discours de Meunier (anarchiste) les ouvriers se dirigent vers les carrières de Trélazé et les corderies des Ponts-de-Cé pour les entraîner dans la grève. Le 18/03, 2000 ouvriers menaçant l’usine de Bessonneau sont chargés par les dragons. Le 19/03, devant 3000 personnes rassemblés place La Rochefoucauld, Meunier incite à faire perdurer la grève, pour arriver à la révolution sociale. Ménard le soutien. Tous se rendent en manifestation au Cirque Théâtre pour un nouveau meeting (5000 personnes). Y prennent la parole Bernard et Cantal et Mitonneau et Durand (socialistes), lors de la manifestation, le commissaire central est malmené.

Dans un article du Père Peinard, on y parle de rassemblement de 7 à 8 000 bons bougres certains jours, du siège pacifique de la mairie, de la Solidarité des Allumettières qui amènent de pain en manif et ce précédé du drapeau noir, de nombreuses échauffourées… (sources : M Poperen, les cordonniers…). Voir également les articles du Père Peinard : n°211 du 02/04/1893, n°212 du 09/04/1893 (et la page de Une),  n°214 du 23/04/1893, le numéro 215 du 30/04/1893,

  • fin Mars / début Avril

À la fin du mois de Mars, une grève de Solidarité est déclenchée à Trélazé pour soutenir les revendications des allumettiers d’Aubervilliers. Le mouvement s’étend comme une traînée de poudre, les allumettières de la Manufacture sont au Premier rang de l’action se qui entraîne des heurt avec la flicaille et elles résistent. Le directeur gère la situation et c’est les allumettières qui le disent ! Elles rejoindront les fileurs qui font « le siège » de la mairie et précédé de leur grand drapeau noir elles amènent du pain aux grévistes d’Angers !! (Le Père Peinard n°210 du 26/03/1893, n°211 du 02/04/1893, du n°212 du 09/04/1893 et le numéro 215 du 30/04/1893  et Page de Une du n°212)

  • samedi 18 mars

Angers, soirée « familiale », probablement vu la date en hommage à la Commune de Paris. À l’occasion de cette soirée une collecte sera faite au profit des détenus (Le Père Peinard n°210 du 26/03/1893).

  • samedi 25 mars

Conférence publique dont les orateurs sont les anarchistes Régis Meunier et Tennevin, au cirque-théâtre d’Angers à 20h30 (Le Père Peinard n°210 du 26/03/1893)

  • MAI

Philippe Auguste demande à Jean Grave de lui envoyer des brochures. Certaines ne sont plus disponibles comme Terre et Liberté, Prise de Possession, Aux jeunes gens, Espagne, Mendiants et Vagabonds. (La Révolte n°34 du 04/05/1893)

  • 27 juin

// Un anarchiste nommé Gaudin (Pierre ?) est viré de chez Liard, un fabricant de chaussures car anarchiste (Le Père Peinard n°220 du 04/06/1893)

// Affiche « Mort aux juges ! Mort aux Jurés !  » collée dans les 1,2 et 3 arrondissements d’Angers.

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AD49 : 4M6/29

  • Juillet / décembre 1893

Angers. Voir quelques photos ici
Plusieurs grèves dans les entreprises de la chaussure de juillet à la mi-décembre. 7 fabriques sur les 8 sont touchées. Du 17/09 grève à la maison Hamard, bientôt suivi par les 6 autres. Les patrons refusent toute conciliation. La solidarité financière se met en place. A la mi-octobre le préfet réquisitionne les troupes suite au rapport de police s’inquiétant de l’influence possible des anarchistes comme Philippe et Mercier. Le syndicat, via Gillet et Pilmis, affirment qu’ils refuseront de prendre le travail si les ouvriers qui avaient repris le travail ne sont pas renvoyés ! A la mi-décembre, un accord est signé ; les salaires seront équivalent dans les différentes entreprises et ajusté sur ceux de la maison Hamard (plus avantageux), les autres revendications (éclairage aux frais des ouvriers, règlement intérieur, prix des fournitures…) tout est rejeté par les patrons. [Un article de janvier 1897 annonçant la fin de la grève des cordonniers commencée le 16/09/1893. Les patrons acceptent le tarif de 1891 dont la baisse annoncée avait motivée la grève.? (C.I.R.A. : La Révolte, n°16, 7° année, du 30/12/1893 au 05/01/1894  et Le Père Peinard n°241 du 29/10/1893 et arch. (LB.)] (M.Poperen,, les cordonniers…)

  • fin juillet

// À partir de la fin juillet, les réunion des anarchistes d’Angers se font chez Heriché, 46 route de Paris (Le Père Peinard n°228 du 30/07/1893 et le n°229 du 06/08/1893.)

// Pierre ANDRÉ alors qu’il vendait des journaux anarchistes, intervient quant il voit des flics malmenés deux gamins. Il se fera non seulement embarqué, condamné pour outrages et rébellions à 6 jours de trous (ah ! la bonne vieille tradition de la police française !) mais aussi tabassé (Le Père Peinard n°227 du 23/07/1893, n°228 du 30/07/1893)

  • AOÛT

// à la fin du mois, un été décidément pourri pour Pierre André, il se fait barbotter une soixantaine d’affiches du Père Peinard. par les flics. Au comble de l’état de droit…, des perquisitions ont lieu chez différents compagnons pour saisir d’autres affiches (Le Père Peinard n°232 du 27/08/1893)

insurge_n7 ephemanar.net

l’Insurgé. d’après d’après ephemanar.net. Journal Lyonnais reçu à Angers, par le groupe anarchiste, en 1893 d’après Marcel Massard, Histoire du mouvement anarchiste  à Lyon (1880-1894). ACL, dispo aux Nuits Bleues p136.

  • SEPTEMBRE

// Philippe, Maru, Pierre André, Maillard, convoqués pour affichage lors de propagande anti-électoraliste. Des affiches saisies, des journaux et manifeste de Mirbeau également (C.I.R.A. : La Révolte, n°52, 6°année, 9 au 15/09/1893 et Le Père Peinard  n°234 du 10/09/1893)

// Au cours du mois, Philippe, loue un « local » (un logement ?) pour tenir les réunions, 48 route de Paris. Réunions qui auront lieu tous les dimanches. Aux éléments de décorations classiques : affiches, dessins, tableaux, sur un mur, une potence est dressée avec une fourche « bien pointue ». Au milieu du local, au plafond, un autre symbole bien clair trône, une marmite ! (Le Père Peinard n°237 01/10/1893 et  n°241 du 29/10/1893).

  • SEPTEMBRE/OCTOBRE/DÉCEMBRE
11 Fi 0435 IntituléGrève des cordonniers à Angers, octobre 1893 : les grévistes devant l'entrée de la bourse du travail, place des Halles à Angers.

AD49. 11 Fi 0435. Ouvrier-e-s cordonniers grévistes devant la Bourse du Travail d’Angers. Octobre 1893

Collection iconographique CÉLESTIN PORT AD49 : 11 Fi 0436 IntituléGrève des cordonniers à Angers, octobre 1893 : grévistes fraternisant avec des ouvriers, quai Monge à Angers.

AD49. 11 Fi0436. Grève des cordonniers. Octobre 1893. Grévistes fraternisant avec des ouvriers Quai Monge

// Grève des ouvriers cordonniers. Au cours de l’année 1893, une série de grève frappent l’industrie de la chaussure angevine : chez Liard, un patron autoritaire, du 8 au 24 juillet 1893 suite une baisse des salaires. Notons que quelques mois avant le compagnon Gaudin était viré de cette entreprise car anar (Le Père Peinard n°220 du 04/06/1893). Seuls 50 des 200 ouvriers entrent dans la lutte (40 homme et 10 femmes). C’est une défaite ouvrière avec une baisse des salaires. Les prix pour

11 Fi 0433 IntituléGrève des cordonniers à Angers, octobre 1893 : réunion des grévistes.

AD49. 11 Fi 0433. Grève des cordonniers. Octobre 1893. Réunion des grévistes.

les ouvriers-monteurs passent de 4f50 et 6f50 à 4f25 et 6f25 (baisse de 25 centimes) ; pour les ouvriers-pointeurs de 4 francs à 3f75. Une dizaine d’ouvriers grévistes quitteront l’entreprise et iront s’embaucher dans d’autres manufactures locales. En août 1893, débute une nouvelle grève chez la Maison Renard, quai des Carmes et rue Garnier. Une grève portée par l’ensemble du personnel, soit les 100 hommes, 30 femmes et 20 enfants. Ils et elles demandent la fin des amendes patronales, la baisse du temps de travail, une augmentation des salaires et non pas la baisse proposée par le patron. Les ouvriers sont soutenus par le Syndicat et sa caisse Syndicale de grève. Il s’agit d’une grève victorieuse : la journée de 12 heures passe à 11 heures sans réduction de salaires et pour les hommes une augmentation moyenne du salaire journalier d’environ 25 centimes à 50 centimes (ils passent entre 3f75 5 francs pour les plus haut) ; pour les femmes les salaires compris entre 2 et 3 francs passent entre 2f25 et 3f50. Les salaires des enfants augment de façon moindre. Ils passent pour ceux compris entre 0.60 et 1.25 à 0f75 et 1f50.

Au cours de cette grève, un ancien syndicaliste, le contremaître Chrétien, averti les ouvriers de la maison Renard que son patron à la maison Malbert, ne fermera pas son usine en soutien à Renard. Mieux, il semble que quelques ouvriers soient même embaucher. Cependant, il peut s’agit d’un calcul dans le cadre d’une effervescence ouvrière. Calcul raté ! Vers le 6 au 8 septembre 1893, les 180 ouvriers de la maison Malbert se mettent à leur tour en grève. Ici, pas de projet de baisse de salaires. Les ouvriers demandent eux dans un mouvement offensif, une augmentation de salaire, une baisse de la journée à 11 heures de travail, une baisse de 25% de rabais sur les fournitures de la piqûre, l’éclairage gratuit et la suppression des amendes. C’est là encore une victoire ouvrière. Augmentation de 6 centimes par paire de chaussure pour le montage ; augmentation de 5 à 10 centimes par paire pour le finissage ; la journée de travail passe de 11h45 à 11 heures sans diminution de salaire. Le syndicat ne verse pas de secours aux grévistes semble-t’il.

11 Fi 0434 IntituléGrève des cordonniers à Angers, octobre 1893 : membres du comité de grève.

AD49. 11 Fi 0434. Grève des cordonniers. Octobre 1893. Membre du Comité de grève.

 

En parallèle à ces grèves, la mécanisation s’affirme dans les manufactures de chaussures avec des machines « à monter et à déformer » dont la conduite sont confiées à des ouvriers sans qualifications. Selon Poperen dans son livre, « Les cordonniers d’Angers« , le syndicat décide d’exiger des patrons que ceux-ci n’emploient que des ouvriers payés aux pièces ; de ne prendre d’apprentis que parmi les enfants d’ouvriers déjà embauché ; de s’opposer à l’embauche de travailleurs sans formation professionnelle. La préfecture, la police sonnent l’alerte. Pour tenter de réduire la tension sociale et la contagion, le maire Guignard intervient auprès des chambres syndicales patronales et ouvrières.

Trop tard. 15 jours plus tard, à la fin du conflit de la maison Malbert, les ouvriers de la maison Hamard, employant 600 ouvriers, cessent le travail. Par solidarité, les ouvriers de 6 autres entreprises de la ville, parmi les plus importantes, se joignent à eux, sauf ceux de la maison Dureau-Brossard. Le 17 septembre, la grève est quasi-générale.

 Le conflit durera du 19 septembre au 13 décembre 1893, soit 85 jours. La grève touche 1210 ouvriers : 694 hommes, 481 femmes et 35 enfants. Lors d’une grève précédente, le patronat et le syndicat ouvrier avait convenu d’un tarif. C’était en juillet 1891. Le patronat décide de revenir sur sa parole arguant en particulier de la mécanisation. Les patrons annoncent donc une baisse de 30% des tarifs !, ce qui amènerait selon les ouvriers à une baisse à minima de 15%. Le Syndicat exige le maintien du tarif issu du conflit de juillet 1891. À cela s’ajoute, la demande que la journée de travail n’excède pas 11 heures pour les ouvrier-e-s payés à la journée (coupeurs, piqueuses, manutentionnaires, etc.) ; que l’heure de rentrée au travail soit retardée d’une demi-heure et que les horaires soient de 6h30 à 11h30 puis de 13 à 19h ; que l’éclairage ne soit plus à la charge de l’ouvrier ; que les amendes ne soient plus de la seule autorité des contremaîtres.

Le 06 octobre, le juge de paix propose sa conciliation. Le 08 octobre 1893, 1600 ouvriers réunit à la Bourse du Travail acceptent la conciliation. Vigneron et Burgain, les anciens représentants syndicalistes sont écartés au profit de Pilmis, Guilleux, Gillot et Ballu. Les patrons refusent eux toute conciliation.

La grève s’annonce donc longue et dure. Les moyens du Syndicat ouvrier sont mince. Ils s’adressent donc à la mairie d’obédience républicaine modérée. Le maire, Guignard, se montre très réservé. Du pain et du chauffage sera assuré aux familles les plus nécessiteuses, rien de plus.

AMA 06 Fi 231 Publication du procès-verbal de non conciliation dressé par le juge de paix du canton Nord-Ouest (2 décembre 1893) greve ouvriers coodonniers 0.65 x 0.50 m.

AMA numérisées. 06 Fi 231. PV de non-conciliation dressé par le juge de paix du canton nord-ouest.

Le préfet du Maine-et-Loire organise les moyens de s’assurer « l’ordre et la liberté du travail » et requiert l’armée le 18 octobre. Cette décision fait suite aux rapports de police qui se montre alarmant tel celui-ci : « Les réunions de grévistes à la Bourse du Travail se font plus fréquentes. Ceux-ci, désœuvrés, y assistent nombreux. Les militants anarchistes (Philippe, Mercier) interviennent souvent et leurs propos sont une longue incitation à la révolte contre patrons et les capitalistes. Il est à craindre que les ouvriers excités par les interventions violentes des conférenciers ne conservent pas le calme qu’ils ont montré jusqu’à ce jour, d’autant que l’attitude des patrons, opposés à toute tentative de conciliation, tend à accroître la rancœur des ouvriers« .

Les patrons non seulement restent intraitable, mais certains commencent à délocaliser la production dans les environs de Doué-la-Fontaine.

Le 21 octobre, le Comité de grève organise un concert de soutien au Cirque-Théâtre avec le soutien et l’aide de la troupe et de l’orchestre du Grand-Théâtre. Enthousiasme ! Salle comble, il faut refuser du monde. La « quête » à elle seule rapporte 743 francs. par ailleurs, une caisse de Solidarité est mise en place. Des secours financiers arrivent des syndicaux locaux ou de France. Pilmis gère cette caisse de grève.

Cependant, quelques jaunes travaillent à la maison Hamard et chez Liard. Début novembre, 400 grévistes en réunion à la Bourse proclament leur envie de continuer la grève. Un nommé Gillet, considéré comme un des principaux meneurs de la grève, selon un rapport de police du 8 novembre, « nous allons faire une conduite sérieuse à ceux qui travaillent et nous trahissent« . Ils semblent que des pressions physiques s’exercent sur des non-grévistes aux maisons Liard, Renard et Hamard. À la maison Renard, Chrétien et Lochet se feront insulter par l’ouvrier Prevost de « lâches, fainéants et traîtres à leur classe« .

Le 24 octobre, le Syndicat ouvrier, par le biais de Pilmis et Gillet, rajoute à ses revendications le refus de reprendre le travail « tant que ces traîtres n’auront pas été mis à la porte de l’entreprise« . Le procureur, pensant qu’il y a atteinte à la liberté du travail, décide d’en référer aux Gardes des Sceaux avant d’entamer des poursuites. Les réunions, du côté ouvrier se tiennent quasiment tous les jours à la Bourse. Du côté patronal, selon Poperen, certaines réunions se tiennent dans des locaux annexes l’imprimerie du journal Le Patriote de l’Ouest ! Un journal soi-disant démocrate et anticlérical… Ce journal se fera le relais consciencieux et besogneux des positions patronales.

AMA 06 Fi 2344 decembre1893 greve procès-verbal de conciliation établi entre patrons et ouvriers cordonniers 0.755 x 0.510 m

AMA numérisées. 06 Fi 2344. PV de conciliation

Les pouvoirs publics eux s’inquiètent avant tout de l’Ordre. Ils pèsent de tous leurs poids pour une résolution de ce conflit, plutôt très calme. Le 12 décembre, le Préfet convoque patrons et délégués ouvriers. Dans un climat d’épuisement, où des groupes d’ouvriers reprennent le turbin chez Hamard, Liard et Renard en particulier, les ouvriers ne sont pas en position de force. Le PV de conciliation du 13 décembre et affiché le 20 décembre est signé par Morier et Dufour pour les monteurs, Bassicot et Macé pour les déformeurs, Ballu pour les talonniers, Pilmis pour les coupeurs, Mme Lemesle pour les piqueuses.

Il en ressort que le tarif de 1891 est reconduit et s’appliquera sur ceux de la Maison Hamard. Donc, une légère augmentation pour tous. Les salaires des ouvriers travaillant aux machines augmentent (ouvriers-monteurs et déformeurs), par contre ceux des coupeurs et des piqueuses ne bougent pas. Certes il n’y a pas de baisse, mais la misère est grande.

Toutes les autres revendications échouent : éclairage, prix des fournitures ; pire, la journée de travail passe à 11h30 même pour ceux qui avaient obtenus la journée de 11 heures dans certains des conflits de l’année.

De nombreux ouvriers très engagés quittent la région, n’envisageant pas de reprendre le travail dans ces conditions. 36 partent pour Fougères, 18 à Paris, 25 à Limoges. Ils sont néanmoins regrettés par le patronat car c’étaient de très bon professionnel.

Voir affiche du 02/12/1893 et celle du 20/12/1893. M. Poperen, op.cit. La Révolte n°16 du 30/12/1893. Le Père Peinard n°238 du 08/10/1893 ; n°239 du 15/10/1893 ; n°243 du 12/11/1893.

  • 15 Octobre

Le dimanche 15 octobre, au local anarchiste, une réunion avec, selon le journal, une centaine de personnes dont pas mal de cordonniers grévistes. Discours de Philippe et de Mercier sur la nécessité de la Révolution, contre les arbitrages et le tout avec des chansons à la fin (Le Père Peinard n°241 du 29/10/1893)

  • NOVEMBRE

// Découverte dans un champ près de la carrière de la Grand’maison, de 6kg600 de dynamite, sans doute volé le 15/07/1891 (12 à 15 kg volé). (ADML, 4M6/15)

// Au local anarchiste, officiellement chez Philippe, une bibliothèque est en formation. Une réunion a eut lieu aux Ponts-de-Cé un dimanche, une autre est en préparation pour Cholet (Le Père Peinard n°242 du 05/11/1893).

// Conférence anarchiste au mois de novembre, sur le communisme-anarchisme, à Bourg-Lévêque (au nord de Noyant-la-Gravoyère et Combrée et à l’Ouest de Bouillé-Ménard, nord du segréen) devant 200 personnes. Ludovic Ménard en est le conférencier. Le lendemain, à La Forêt, une réunion syndicale engage les carriers à continuer la propagande chez les paysans. Conf. contre l’Autorité, la propriété individuelle, etc. (Le Père Peinard n°245 du 26/11/1893).

  • DÉCEMBRE
  • 10 décembre

Angers, rue Baudrière.
Deux policiers sont pris à parti verbalement par des anarchistes, rue Baudrière. Moru, Philippe et sa concubine ont été reconnus dans ce groupe de «  hommes et 3 femmes. Philippe aurait dit aux 2 flics qui sortaient du poste de la place Cupif,« Venez donc les gars, nous allons faire une danse en l’honneur de la Chambre des Députés : jamais on a vu les députés se sauver comme en ce moment ». Refusant de suivre les flics, ils se sont rendus chez Moru au 67 de la rue Baudrière. (ADML, 4M6/15)

  • 16 décembre

Arrestation à Paris d’Hubarin, terrassier à Trélazé. Ivre, il tente de vendre au commissaire de police du 2e arrondissement 7 cartouches de dynamites (ADML, 4M6/15)

  • 20 décembre

Selon le brouillon d’une lettre du préfet du Maine-et-Loire au ministre de l’Intérieur datée du 20 décembre 1893, rédigé suite à une demande d’informations sur « les conditions des groupements anarchistes dans mon département » :
– « Il y a bien deux groupes d’anarchistes, l’un à Angers et l’autre à Trélazé », mais qui sont considérés comme « simplement géographique » plutôt que « présentant une organisation déterminée« .
– « Ludovic Ménard passe pour le chef du groupe de Trélazé« 
– « Ils se réunissent en petit nombre, sans que l’on ai remarqué que leurs réunions doivent avoir lieu à des époques fixes« 
– Les compagnons de Trélazé et d’Angers peuvent se réunir ensemble, souvent dans les carrières de Trélazé, les ateliers ou les cambuses.
– « A Trélazé, la Chambre syndicale des ardoisiers et la société ouvrière dite « la Solitude » leur servent aussi de point de rencontre. »
– « A Angers, ce sont les cabarets tenus par le « compagnon » Hériché, rue de Paris’ et par le « compagnon » Verson, rue des Treilles« 
– Les groupes ne paraissent avoir ni organisation ni affiliation mais il est quand même noté que Ludovic Ménard serait en rapport avec des groupes parisiens et étrangers, Bahonneau avec divers groupes en France, et Mercier avec un comité d’Angleterre. Ces relations sont démontrées pour Mercier par la saisie à la poste de 100 exemplaires d’un placard envoyé de Londres « Les dynamitards aux panamitards.« 
(L’Histoire vue de l’Anjou, 1789-1914, reproduction d’un brouillon d’une lettre du préfet du Maine-et-Loire au ministre de l’Intérieur, AD 49 : 21 M 232)

dynamitard au panamitard
Les dynamitards aux panamitards
  • 23 décembre 1893

Saisie d’affiches à destination de Mercier : Les dynamitards aux Panamitards. Arrestation de Chevry, sur dénonciation, alors qu’il va coller ces affiches. Le même mouton, Livenet dit Bijou, affirme que ces anars disposent d’une bombe. Voir le rapport des flics du 23/12/1893. (ADML, 4M6/15 et 71M2)

  • 26 décembre

Dans une lettre du préfet au ministre de l’intérieur, le premier pense que les perquisitions prévues dans la nuit du 31 décembre au Premier Janvier chez les anarchistes d’Angers et Trélazé il serait bon d’y chercher et saisir « soit des engins explosifs soit des correspondances établissant une entente en vue de faits criminels ». Il écrit qu’il a eut une discussion avec le Procureur « sur les limites de trois affaires concernant les nommés Mercier, Chevry et Philippe […] Mr le procureur Général a entretenu de cette affaire Mr Le Garde des Sceaux »

« Dénoncé par un mouton, Chevry a été arrêté porteur d’un pot de colle, d’un pinceau et de 18 exemplaires du placard intitulé Les Dynamitards aux Panamitards. L’instruction suit son cours. » et « le même dénonciateur a fait la déclaration suivante : les anarchistes ont une bombe toute prête qu’ils ont mise en lieu sûr ; méfiez-vous, Philippe et un autre ont dit à Chevry qu’ils devaient la faire partir cette semaine » (AD49 4M6/15)

  • 29 décembre

// Perquisition aux domiciles de Sevry, Philippe, Chevry, Dubois et aussi Maillard, Moru etc. (courrier du 14/01/1894). 13 perquisitions en plus selon le Préfet (télégramme du 29/12/1893 et grand rapport du 30/12/1893 du Préfet sur ces perquisitions et saisies de courriers).

// Philippe est mis en état d’arrestation-le 31/12 ? (télégramme) et placé en détention préventive, suite au propos de Livenet qui affirme que Philippe dispose d’une bombe et s’apprêterait à la jeter à l’usine Bessonneau (arch. nat. BB 186450 – par exemple courrier du 14/01/1894).

  • fin 1893/début 1894

Selon le Préfet, répondant à la circulaire ministérielle du 18 mars 1894 pour connaître l’état d’esprit des Bourses du Travail des différents départements ; il affirme qu’il y a 25 syndicats régulièrement constitués et représentent environ 3800 salariés syndiqués (en 1891 environ 3400 syndiqués sur environs plus de 12 000 salariés cumulés entre Angers et Trélazé). Cependant la préfecture s’inquiète des menées anarchistes, le secrétaire est Bernard considéré comme anarchiste militant. La préfecture estime en outre que de « fréquentes grèves [ont été occasionnés] par suite des discours qui sont tenus dans les réunions, où le parti anarchiste fait valoir ses théories ». Pour l’année 1893, la préfecture estime à 12 nouveaux syndicats dans l’arrondissement d’Angers ; 11 dans celui de Cholet et 14 dans l’arrondissement de Saumur. Les syndicats ardoisiers et allumettiers de Trélazé, d’opinion révolutionnaire se tiennent à l’écart de la Bourse d’Angers, méfiant vis-à-vis de leur réformisme.
A Cholet, La Bourse est dominé par les membres du parti Socialiste et ne semble pas très active, selon Poperen.
A Saumur la Bourse est créé vers le milieu 1893, Guiton et Schvaller en sont des figures marquantes.
La situation segréenne semble particulière puisque le premier bureau de l’Union Syndicale (en 1894) a pour président Delaborde, propriétaire ; vice-président Lebrun de profession négociant ; pour secrétaire Martin qui est libraire et pour trésorier Quiris qui est lui aussi propriétaire ! Cette union est lancée par les réactionnaires afin de contrôler les ouvrier et sous l’égide du Clergé (comme à Ingrandes d’ailleurs). Dans le segréen, le seul syndicat ouvrier, est créé le 8 septembre 1893 –après plusieurs tentatives infructueuses- par les ouvriers ardoisiers de Bell-Air-Misengrain. Le Président est René Guillet, carrier à Combrée ; le secrétaire Julien Dame, carrier à Noyant-la-Gravoyère, le trésorier Henri Feury, carrier à Combrée. (il cessera ces activités en 1895-1896). (M.Poperen, Création…)