n°85. Dimanche 02/11/1890. QUI DIT DÉPUTÉ DIT PROPRE À RIEN !

Extrait du Père Peinard n°85, deuxième année, Dimanche 2 Novembre 1890.

arch. F.H.

« QUI DIT DÉPUTÉ

DIT PROPRE À RIEN !

Eh oui, nom de dieu, ils ont radiné à l’Aquarium, les bouffe galette à vingt cinq balles.

Qu’ont-ils foutu depuis que ces pochetées de votards les ont élus ?

Rien, nom de dieu. – Du moins, rien pour le populo !

Oh, pour ce qui est des affaires bourgeoises, du budget, des impôts, ils s’en sont occupées !

Mais, quoi que ça nous fout, ces blagues-là, à nous qui n’avons pas un radis ! Ils ne peuvent pas nous dépouiller d’avantage : nous sommes sur la paille, mille bombes, – ou si nous n’y sommes pas aujourd’hui, ce sera demain notre tour.

Et cependant, quand une fournée a fini son temps, vite, on est assez pochetées pour repiquer au truc, et recoller une autre ribambelle de chameaux, à la place des partants.

Ainsi, actuellement, le populo de Montmartre se laisse cramponner par une bande de candidats, qui guigne le fauteuil à Joffrin.

Y’a des réunions ! Eh foutre, pas la peine de demander si on s’y chamaille ; on s’y fout des pains, qui ne sortent pas de chez le boulanger, et des marrons de la même famille.

Ah, nom de dieu, si seulement les chefs des ambitieux, écopaient seuls ! Ça se serait tout plein bath ; mais il y a des naïfs et des gobeurs qui la dansent bougrement plus que leurs jean-foutre de candidats.

***

Faut pas gober qu’un jour ou l’autre on dégottera un député modèle, qui foutra des riches collier, en faveur du populo.

Auraient-ils la meilleure volonté du monde, qu’ils ne sont pas longs à être réduits à rien. Que pourraient-ils foutre au milieu de 500 vaches qui les entourent ?

En cinq minutes ils oublient tout le passé. Bédam, c’est naturel : avant ils étaient simples soldats, les voilà gradés ; comment diable voulez-vous qu’ils aient les mêmes idées. C’est pas possible, nom de dieu !

D’ailleurs, s’ils ne se foutent pas dans le mouvement, et s’ils ne deviennent pas aussi jean fesses que les autres, ils ne ratent jamais de se faire petits comme des goujons ; on dirait qu’ils ont le taf d’être avalés par les gros requins et les maquereaux qui les entourent.

Tenez, les camerluches, un exemple paumé sur le vif, pour rigoler.

C’est encore mon sacré nom de dieu de gros pansu, qu’a fait le ministre sous la Commune, qu’en est la cause.

L’autre jour avec un camaro, nous étions bien en train de siroter un verre de marc, tout en ruminant sur l’affiche au populo, quand mon sacré nom de dieu de gros type, nous fout dans les jambes deux députés.

L’un en activité, Souhet, qu’est député de la Loire ; l’autre, un retraité, Camélinat.

Dans les temps, j’aurais été bougrement émotionné, songez donc, nom de dieu, se trouver face à face avec un représentant ! Mais depuis …

– Savez-vous, que fait Camélinat, nous allons voir Séverine, des journalistes, pour faire du potin en faveur des mineurs de Firminy, dont personne ne s’occupe.

– J’ai empêché qu’on réquisitionne les mineurs, que dit Souhet ; j’ai dit au préfet : « Si vous faites ça, faites aussi exécuter la loi contre les Compagnies … »

– Mais alors, que je dis, c’est des menteries ce qu’ont raconté les quotidiens, qu’on avait réquisitionné 45 mineurs, (y en a même un qui parlait de 120; ) j’ai coupé dans le pont ; c’est donc du battage ?

– Oui c’est faux, mais il s’en est fallu de bien peu … Il faudrait qu’on remue l’opinion en faveur de ces pauvres mineurs, ils le méritent ; ils sont calmes …

– Trop calmes, nom de dieu, que je réplique. Voyez-vous, pour que le populo s’emballe en faveur des grévistes, fait que les gas aient du poil au ventre. Tenez, pourquoi donc la grève de Decazeville en 86 a-t-elle eu tant de retentissement ? Parce que les bons bougres ont dégotté Watrin … Supprimez l’exécution de Watrin, et personne n’aurait bougé en faveur des Decazevillois. Voyez-vous, y a qu’une chose de vrai : du nerf, toujours de nerf ! Tant que les femmes ne foutent pas leur grain de sel, y a rien de fait …

– Oui, c’est vrai, les femmes des mineurs ont du sang dans les veines … Ah, nous allons faire nos courses.

– Bonne chance, que je fais aux deux types ; mais vous n’arriverez pas à grand chose, tous les quotidiens sont dans les pattes des grosses légumes …

***

Hein, mille tonnerres, voilà un type qui est député : il est le représentant du peuple souverain !! Ça veut tout dire.

Il a sous la patte une tribune ou il peur brailler à pleine gueule ; pourquoi donc qu’il n’y monte pas pour prendre la défense des pauvres bougres de mineurs ?

Pourquoi ! Et pardine, tout simplement parce qu’il sent que ça ferait autant d’effet que de pisser dans un violon.

Pour qu’on vous écoute, dans cette boîte infecte, faut être dans la manche de la haute pègre, sans quoi, ma cache bonno.

Alors, quoi ! Le représentant du peuple souverain se fout en campagne et va pistonner des journaleux, pour éveiller l’opinion publique en faveur des mineurs de Firminy.

Y a pas besoin d’être envoyé à l’Aquarium pour ne faire que ça, nom de dieu !

Si j’avais un conseil à donner aux 2.700 pauvres bougres qui sont en guerre contre la Compagnie, à Firminy et à la Roche, ce serait de ne compter que sur leur poigne pour se donner un peu de bien-être.

En outre, si jamais on les cramponne pour se refoutre un bouffe-galette sur le poil, d’envoyer les candidats à Dache, le perruquier des Zouaves. »

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