1893-12-29. 2 U 2-142 AD 49. 1er interrogatoire de Marie Artel, veuve Ledu, concubine de Chevry

 

Nicolas Chevry et Marie Artel vivaient rue de Paris, 33 passage de l’Industrie.

Je me nomme Marie Artel, veuve Ledu, âgée de 41 ans, journalière, demeurant à Angers rue de Paris, passage de l’Industrie 33, née à Angers, le 14 juin 1852, fille de feu Jean-Baptiste et de feu Marie Bertret, veuve de Mathurin Ledu, 2 enfants, lettrée.

J’ai été condamné une fois.

Q. Vous êtes inculpée d’avoir, soit avec Philippe, Chevry ou Dubois, soit avec d’autres individus restés inconnus, établi une entente dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés ou de vous être rendue coupable des crimes ci-dessus précités ?

R. En fait d’anarchistes, je ne connais que Philippe et sa femme qui sont venus deux fois, depuis que nous sommes 33 rue de Paris. La dernière fois qu’il est venu, nous sommes allés à la foire ensemble.

Je dois vous dire que Chevry ne me tient pas au courant de toutes ses affaires. Quand il écrit, il profite ordinairement du moment où je ne suis pas là. Quant à ses correspondances, il se les fait adresser chez Philippe 148 rue de Paris ou bien il se les fait adresser chez Hériché.

Nous ne connaissons même Philippe que depuis que Chevry est sorti de la prison où il venait de faire deux mois pour insultes à agents.

Nous connaissons aussi un nommé Bijoux, cet individu est venu prendre le café avec sa femme, le jeudi soir 21 décembre sur les 9 heures – Chevry est descendu avec eux quand ils sont partis sous prétexte d’aller boire un verre. C’est ce soir là qu’il a été arrêté.

Je vous affirme que je n’ai point vu chez nous le placard « Les dynamitards aux panamitards ».

Je n’ai pas fabriqué de colle pour afficher ces placards.

Chevry est parti avec sa [illisible] et puis c’est tout. Je ne l’ai pas revu.

Q. Est-ce que Philippe n’est pas venu chez vous ce soir-là ?

R. Non monsieur, il n’est venu que le nommé Bijoux, ce jour-là.

Q. Ne savez-vous pas que Philippe a déclaré à Chevry qu’une bombe était, ou serait sur le point d’être fabriquée, pour être jetée sur une usine d’Angers ?

R. SI Chevry l’avait fait ou en avait entendu parler, ce n’est pas à moi qu’il l’aurait dit, car je ne l’aurais pas supporté.

Chez moi Philippe et Chevry chantaient des chansons plus ou moins extravagantes, mais jamais je ne les ai entendu parler de bombes.

Q. Ne savez-vous pas que Philippe recevait ou écrivait des correspondances anarchistes ?

R. Je n’allais jamais chez lui que pour demander Chevry et il ne me communiquait pas ses affaires.

Ils ne m’aimaient pas beaucoup, ni lui, ni sa concubine.

Q. Vous deviez également aller chez Hériché pour savoir ce qui s’y passait ?

R. Je ne crois pas qu’il se passe rien de mal chez Hériché. C’est du très beau monde et du monde très comme il faut.

Du reste je n’y allais que rarement, que pour chercher mes provisions.

On ne connait pas Chevry. C’est un homme exalté, il écrit beaucoup, mais il est incapable de faire du mal.

Lecture faite, l’inculpée signe avec nous et le greffier.

 

Texte pris sur Archives anarchistes