BORDA Eugène, dit Beck, dit Souvarine parfois écrit Bordas [ Vendée/Loire-Atlantique/Maine-et-Loire ; serrurier ; A ; 1892-1896-1900]

 Né le 23/10/1860 à Montaigu. « Il aurait une certaine influence parmi les anarchistes. »1

Dans le livre publié par L’AREMORS en 1980 ; Études et Documents sur Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier de 1848 à 1920 ; un chapitre est dédié à ce compagnon intitulé « L’anarchiste Souvarine à Saint-Nazaire« . (pp 181-186)

Il est à Saint-Nazaire fin août 1892 où il s’oppose à Aristide Briand qui effectue une conférence. En octobre de la même année alors que le même Briand expose devant 500 personnes les résultats du Congrès de Marseille et se met en scène pour étriller les anarchistes, Borda/Souvarine prend la parole et selon les flics, dit : »Je n’emploierai pas le genre littéraire du Monsieur qui m’a procédé à cette tribune ; pendant qu’il usait les bancs de l’école à apprendre des fleuves de rhétorique, j’apprenais un métier, moi, fils de travailleur, obligé de me procurer mon pain par le travail. J’étais au bagne de la mine. Vous socialistes, vous êtes comme les autres :  »ôte-toi de là que je m’y mette » […] ».

En octobre il est à Trignac, où il s’oppose une nouvelle fois à Briand, toujours à propos du Congrès de Marseille. Le Progrès de Nantes, du 13/11/1892, choqué devant la violence des propos et le peu de répondant de Briand, relate les paroles. Borda/Souvarine aurait dit : « Mais poignardez donc le patron. Enfoncez-lui le couteau dans la gorge ! Retournez le fer pour jouir de son agonie! Volez-le donc ! Pillez-le donc ! Est-ce que c’est un vol de piller et de voler le patron?« 

Selon un rapport, il aurait (également) dit : « Ceux qui ne travaillent pas ont droit au vol et à la révolte même par le crime. Les voleurs sont les riches et non nous. Tous les moyens sont bons pour hâter la révolution. Plantez un poignard bien affilé dans la gorge d’un bourgeois, capitaliste ou oppresseur ; tournez longtemps l’arme dans la plaie et réjouissez-vous de ses grimaces. Essayons ensuite de jeter cette bourgeoisie à l’eau ; si on vous condamne, vengez-vous des juges, des ministres, de Carnot et autres. Puisque le gouvernement ne se gêne pas, volons, révoltons-nous, une bombe et un poignard à la main.  » (AN : F7/ 13606 ; d’après C. Geslin, Le syndicalisme ouvrier en Bretagne, p112).

Fin octobre devant l’activisme, il est enfin logé par les flics, il est alors ouvrier serrurier aux ateliers de chaudronnerie de Penhoët et s’y fait appeler Beck. Il est suspecté par la maréchaussée d’avoir un lien avec « l’attentat » de la rue des Bons Enfants (à Saint-Nazaire), sans doute destiné à impressionner la population nazairienne et les nombreux passagers du France qui devait s’embarquer.

Cependant selon un rapport de la préfecture de Vendée en date du 25 janvier 1893, Borda/Souvarine n’était pas sur les lieux à ce moment puisqu’il était les 7 et 8 novembre 1892 à Montaigu où il effectue une réunion publique au Grand Café.

Contrôlé à Nantes le 16 novembre 1892, il est arrêté le lendemain soir pour avoir fait lecture de journaux anarchistes (tel que le Révolté) à des vagabonds qu’ils auraient rassemblées sur les quais. Il est condamné le 22 novembre à 6 mois de prisons pour vagabondage par le Tribunal correctionnel de Nantes. A ce moment il aurait déjà 9 condamnations pour vol, filouterie d’aliments. Cependant il sera relâché car il fait appel et la Cour d’appel de Rennes déjuge ceux de Nantes. « Mais », auparavant il écrit une lettre d’insultes au Procureur de la République… Il sera condamné du coup à 4 mois pour cette lettre.

La police le recherche en Vendée mais c’est par hasard qu’il est arrêté à Angers le 17 février 1893. Les flics disent qu’il répond poliment à toutes les questions. Cependant alors qu’il est conduit à la prison, au moment de se soumettre à la fouille corporelle, dans une résistance désespérée (dixit les flics) il injurie les gardiens, les frappent, mords l’un d’eux. Qui commence ? Toujours est-il qu’il est tabassé par les gardiens et privé de nourriture plusieurs jours.

Suite à ces propos de Trignac et Nantes, il sera condamné à deux ans de prison et 3000 francs d’amende ! en vertu des lois de 1881 sur la presse. Il sera incarcéré à Fontevrault sous le numéro d’écrou 9750.

Le 21 novembre 1893, sa fiche de police dit de lui : »Eugène dit Beck ou Souvarine, sans domicile fixe, condamné le 18 mars 1893 pour excitation au crime de meurtre [suite à ces propos à Saint-Nazaire], ouvrier serrurier, né le 3 octobre 1860 à Montaigu (Vendée), 1,64 m, barbe blonde, nez long concave au milieu, édenté de la mâchoire supérieure, boîte légèrement, coxalgie de la jambe droite. Anarchiste dangereux, capable de se livrer aux dernières extrémités, à subi une dizaine de condamnations pour vol, rébellion, vagabondage« . Il ne bénéficie pas des lois d’amnistie, il effectue en totalité ses 31 mois de prisons. Il semble y « goûter du cachot », semble se faire tabasser : « je savais y trouver ici des bêtes féroces… non pas des anthropophages ! » (La Sociale n°27 du 03/11/1895). Digne, il refusera de signer sa demande de grâce : « Entré ici par la force, je n’ai rien à demandé à personne« .

Libéré le 02 octobre 1895, il semble très mal en point et épuisé.

En novembre 1895, libéré depuis un mois de Fontevrault, il se fait arrêter à Pouzauges et semble refuser de parler aux gendarmes (La Sociale n°33 du 22/12/1895).

1 liste anar, A.D.M.L. : 4M6/40

Sources annexes non cité dans la notice : Le Père Peinard : n°193 du 27/11/1892 ; n°194 du 04/12/1892 ; n°206 du 26/02/1893 ; n°210 du 26/03/1893 ; La Sociale n°17 du 01/09/1895 ; n°27 du 03/11/1895 ; n°33 du 22/12/1895.

Pour aller plus loin, et liés à ces différentes interventions à Saint-Nazaire, son arrestation à Nantes, on peut lire l’article de Fernand Pelloutier, publié le 20/12/1892 dans la Démocratie de l’Ouest et issu du livre de Jacques Julliard et reproduit dans la rubrique texte divers.

(LB.)

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