1894-02-16. 2 U 2-142 AD 49. 5e interrogatoire de Mercier par le juge d’instruction d’Angers. Les adresses d’Henri Mercier et l’affiche « Carnot le tueur » envoyée de Londres à Angers

Je me nomme Mercier Henri, déjà interrogé.

Il a été saisi à la poste d’Angers en vertu de l’ordonnance de saisie que nous avons rendue à la date du [pas de date d’indiquée], un paquet venant de Londres et dont l’adresse est la suivante :

« M. Mercier, rue Lyonnaise 51, Angers Maine-et-Loire, France »

Ce paquet contient ainsi que vous le voyez, un placard anarchiste intitulé « A Carnot le tueur »

Q. Comment se fait-il que vous soyez en correspondance avec les anarchistes de Londres qui ont votre nom et votre adresse, pour vous envoyer des placards, évidemment afin de les afficher ?

R. L’adresse que vous venez de me présenter n’est pas la mienne, ce qui prouve surabondamment que je ne suis pas en correspondance avec ces gens là.

Je n’habite plus Angers depuis le 25 juillet 1893, je suis maintenant au village du Buisson, rue du Vessière ?, commune de Trélazé.

Si j’avais donné mon adresse et si j’étais en correspondance avec les anarchistes de Londres, je leur aurais donné tout au moins l’adresse exacte.

Depuis que je suis en liberté provisoire et même avant, je n’ai écrit à personne que pour les besoins de mon commerce, ceci, je vous l’affirme.

Q. Encore une fois, veuillez nous dire comment il se fait qu’à Londres, les anarchistes connaissent, sinon votre adresse exacte, tout au moins votre nom et la ville où vous habitez.

Si vous ne correspondez pas avec les anarchistes de Londres directement, vous êtes tout au moins en relation avec eux par des intermédiaires ?

R. Je suppose qu’on a vu mon nom sur les journaux.

Il y a deux ans, on a fait une perquisition chez moi, sous prétexte que j’étais anarchiste dangereux. Cette perquisition a fait l’objet de nombreux articles dans les journaux et j’ai acquis une notoriété suffisante pour que mon nom ai été conservé par les anarchistes, même à l’étranger.

Du reste je n’ai jamais habité la rue Lyonnaise n°51. J’ai habité rue Beaurepaire, rue Dacier, boulevard Davier, rue des Carines ? Etc…

Q. Il est certain, ainsi que nous vous l’avons déjà dit que votre nom n’a pas été conservé depuis 2 ans par les anarchistes à l’étranger, si vous ne continuez pas à être en relations avec eux, soit directement, soit par des intermédiaires.

Payez-vous, notamment une cotisation à une société anarchiste quelconque ?

R. Je ne fais partie d’aucun groupe, je ne paie aucune cotisation.

Q. Il est constant que Philippe va passer toutes ses journées de dimanche chez vous.

Continuez vous à faire avec lui de la propagande et à provoquer des réunions anarchistes ?

R. Philippe est mon ami. Il est venu deux dimanches pour faire réparer des chaussures et pour me voir. Il n’est pas venu plus souvent que cela.

Je n’ai fait aucun acte de propagande ou provoqué de réunions anarchistes.

Je suis seul, je m’occupe de mon travail et pas autre chose.

Q. Il résulte cependant de renseignements qui nous sont parvenus que vous « continuez à afficher hautement vos opinions anarchistes » et que vous vous livrez dans votre atelier aux diatribes les plus violentes contre la société ?

R. Ceci m’exaspère absolument, ceci est complètement faux et donnerait réellement l’idée de mal faire…. J’ai chez moi tout juste mon atelier et rien de plus. Or cet atelier est déjà rempli par des tables de mon apprenti et de moi, mes outils, mes rayons et mes marchandises. Il n’y a pas place pour faire la moindre réunion.

Georget qui est le secrétaire du syndicat n’est peut-être jamais venu dans mon atelier. Du moins, je ne m’en souviens pas l’y avoir vu.

Coutal (Cantal ? LB.) vient m’apporter mon journal tous les jours. Meirand (Meinard ? LB.) vient quelques fois pour ses chaussures.

Je me doute de ce qui a soulevé ainsi la police contre moi :

J’ai mis sur ma boutique : « Cordonnerie anarchiste » pour me faire une clientèle. Mais ça ne veut pas dire fabrique de bombes.

Ma clientèle augmente, il est vrai ; mais c’est de la clientèle de chaussures et non pas de la clientèle anarchiste.

La semaine dernière, j’ai fabriqué jusqu’à 14 paires de chaussures et j’ai veillé jusqu’à minuit. Ceci, je suis prêt à le prouver et mes livres en font foi.

Je n’ai donc guère eu le temps de m’occuper ni d’anarchie, ni de complot anarchiste. Je demande à vivre tranquille en travaillant.

Lecture faite, l’inculpé signe avec nous et le greffier.