Année 1. Numéro 03. 01 au 07/10/1887. sur la grève de Cholet

Extrait de La Révolte, numéro 3, page 2. archives F.H.

« La Grève de Cholet

Les ouvriers tisserands de Cholet, victimes d’une exploitation effroyable et las enfin de la subir, viennent de quitter le travail, et ils opposent à leurs patrons cette arme passive : la grève légale avec la faim au foyer et la défaite par la famine en perspective.

Quelques chiffres donneront une idée de leur triste situation ;

Les tisserands de la campagne, travaillant au métier, avec l’aide d’un auxiliaire pour dévider le fil, gagnent de 12 à 14 sous pour 12 heures de travail ; et encore ce sont les habiles qui accomplissent leur tâche dans cet espace de temps, les vieux mettent de 17 à 18 heures pour gagner ces 12 ou 14 sous.

Les ouvriers en atelier ne sont pas mieux partagés. Le salaire quotidien est de 25 à 33 sous, mais des amendes, variant de 80 centimes à 4 francs, le rognent continuellement ; la journée de travail est de 12 heures.

Les ouvriers réclament des réformes plus que modestes, dont la principale est la mise en vigueur d’un tarif élaboré en 1883 entre eux et les patrons. Inutile de dire que ce tarif, quoique accepté par les patrons, n’a jamais été appliqué. Ils demandent encore l’établissement d’un tarif nouveau pour les articles non compris dans celui de 1883.

Pour le tissage mécanique, ils demandent : 1° que la journée de travail soit réduite de 12 à 11 heures ; 2° la suppression des amendes pour les cas d’absence motivée ; 3° leur réduction pour les autres motifs ; 4° que les amendes soient versées dans la caisse ouvrière, au lieu d’aller grossir celle du patron.

En voyant des réclamations aussi insignifiantes et mesquines, on pouvait être sûr qu’elles ne susciteraient pas un enthousiasme assez fort, des dévouements assez grands pour vaincre les capitalistes. Aussi considérons-nous dès le début la grève comme perdue, comme une défaite de plus du prolétariat. Mais de crainte qu’il n’y ait encore quelque énergie, quelque élan de vitalité, chez ces fils des chouans qui demandent si timidement à leurs exploiteurs de les voler un peu moins, MM. les endormeurs du Parti ouvrier sont allés au milieu des grévistes accomplir leur sinistre besogne, les châtrer de toute initiative, étouffer en eux toute lueur de raison et de justice. Dix mille ouvriers en grève, quelle bonne occasion pour ces messieurs pour préparer leurs candidatures.

Voici les renseignements que nous donnent ces nécrophores de la révolte sur les travailleurs de Cholet et environs :

Les conditions hygiéniques sont épouvantables. Le travail se fait dans les caves et, de l’entrée de l’automne jusqu’en avril, les ouvriers sont obligés de travailler à la lueur d’un quinquet fumeux. Aussi la phtisie et en général toutes les maladies de poitrine font-elles des ravages continuels dans les rangs de ces victimes de l’exploitation patronale.

A ces victimes de la phtisie, ils préconisent les bulletins de vote, nouveaux sinapismes pas Rigollot.

Allons, Vendéens, si vous en avez assez de cette vie de misère que vous ont imposées les bleus, les bourgeois actuels, fouillez vos souvenirs, rappelez-vous que derrière chaque buisson, derrière chaque mur de vos campagne, vos pères ont fait le coup de feu pour défendre leur liberté contre la centralisation gouvernementale, pour empêcher l’intronisation du capitalisme qui vous tue aujourd’hui.

En 1793, les jacobins vous prenaient vos fils et vos moissons. Aujourd’hui ils ont construit leurs bagnes où ils vous ravissent votre liberté, votre santé, votre vie pour satisfaire aux dépenses de leur oisiveté.

Si dans vos chaumières, les fusils des insurgés sont religieusement accrochés à la cheminée, souvenez-vous que c’est seulement par leur emploi que vous vous émanciperez.

En 1793, vos pères s’allièrent aux nobles et aux prêtres, croyant trouver en eux des défenseurs de leurs intérêts. Ils furent trompés, vaincus, décimés. Souvenez-vous ! et ne vous laissez plus tromper, agissez par vous-mêmes, ne comptez que sur vous et vous mettrez votre énergie à la hauteur des nécessités de la lutte. Alors, quand vous n’aurez besoin de personne, les alliés s’offriront à vous, et vous pourrez choisir ceux qui viendront à vous franchement, sans vouloir se servir de vos épaules pour grimper au pouvoir et vous réasservir ensuite. »

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